Doit-on sacrifier le progrès vers des pratiques agricoles plus « vertes » pour éviter des pénuries alimentaires ? Les débats s’annoncent vifs sur les réponses à apporter aux profondes perturbations des marchés agricoles causées par l’invasion russe de l’Ukraine.
Le 10 mars, la Maison de la bio a fait part de ses inquiétudes dans une lettre ouverte aux dirigeants européens. Le document est co-signé avec son homologue allemand, le BÖLW (association de producteurs, transformateurs et distributeurs bio). Les deux organismes alertent sur « les risques d’une approche opportuniste et rétrograde qui consisterait à augmenter notre production sans faire évoluer notre modèle agricole ».
Des engrais azotés au parfum russe
Des responsables politiques et des syndicats agricoles comme la FNSEA appellent de fait à l’abandon de la stratégie européenne de « verdissement » de l’agriculture, « De la ferme à la fourchette » qu’ils jugent « décroissante ». Cette stratégie prévoit une réduction de l’utilisation des engrais et des pesticides et un développement des surfaces cultivées en bio. Le programme du candidat Macron, présenté jeudi 17 mars, s’inscrit dans cette lignée.
Renoncer, afin de produire davantage dans l’Union européenne, est une fausse solution, selon la Maison de la bio et le BÖLW car cela aggraverait notre dépendance. En effet, la production conventionnelle repose sur des engrais azotés : fabriqués pour partie à partir de gaz russe, ils ont déjà vu leurs prix s’envoler. « Il ne s’agit pas de produire plus mais de produire autrement ».
Souveraineté alimentaire et énergies fossiles
La tonalité du discours est la même dans une autre lettre ouverte, publiée également le 10 mars par un regroupement de 26 ONG, dont Greenpeace, Les Amis de la Terre, Foodwatch ou encore France Nature Environnement. Le collectif « dénonce l’instrumentalisation de la guerre en Ukraine par les tenants d’une agriculture productiviste ».
Les deux lettres ouvertes se rejoignent : l’autonomie et la souveraineté alimentaire européenne nécessitent des modes de production alimentaires moins dépendants des énergies fossiles. L’une comme l’autre pointe l’élevage industriel. Il dépend, pour l’alimentation animale, de céréales et d’oléagineux importés d’Ukraine ou de leurs équivalents européens, produits à l’aide d’engrais liés au gaz russe. « L’agriculture bio devra être déployée à large échelle, conclut la Maison de la bio et le BÖLW, car c’est une solution durable pour renforcer notre souveraineté ».