Réemploi : les avancées de Biocoop, Carrefour et Le Fourgon

23 décembre 2022 - Erwan Le Fur

Les trois distributeurs ont débattu à l’occasion des Rencontres nationales de la consigne, des stratégies mises en place par leurs équipes afin de développer des filières pérennes de réemploi. Conclusion : la volonté est là mais Rome ne s’est pas construite en un jour.

Le réemploi, ça vous gagne ! « Il y a un an et demi, quand on allait rencontrer les producteurs de vin pour leur présenter notre démarche, ils nous claquaient la porte au nez, s’amuse Charles Christory, co-fondateur de la société Le Fourgon. Aujourd’hui, ils nous appellent tous pour savoir comment on pourrait travailler ensemble ».

Cette plateforme fondée en juin 2021 par trois associés propose la livraison à domicile de boissons consignées (lait, jus, soda, bière, vin ou encore spiritueux), façon tournée du laitier. Le 12 décembre dernier, Charles Christory était invité à partager son retour d’expérience sur les premiers mois d’activité de sa société à l’occasion des Rencontres techniques nationales du réemploi des emballages organisées à l’Académie du Climat à Paris.

Plusieurs modèles au banc d’essai

« L’explosion du coût de l’énergie est une excellente nouvelle pour le réemploi, poursuit-il. Le nettoyage est en passe de devenir moins coûteux que la bouteille neuve ».  Autre bonne nouvelle pour la filière de la consigne, l’entrée en vigueur depuis le 1er janvier dernier de l’obligation imposée aux industriels par la loi Agec de proposer a minima 5 % de leur offre en emballage réemployable. Ce taux sera porté à 10 % en 2027.

Pour en parler, invités aux côtés de Charles Christory : Nicolas Dauvé, chargé de R&D emballages chez Biocoop et Ludivine Delatronchette, cheffe de projet RSE chez Carrefour. Loin du modèle de livraison à domicile mis sur pied par Le Fourgon, les deux enseignes avancent également leurs pions sur le sujet du réemploi. Chacun s’appuie sur ses atouts et ses spécificités. « Nos clients sont avant tout sensibles à la problématique du prix bien plus qu’ils ne le sont aux questions sur le réemploi des emballages », illustre ainsi Ludivine Delatronchette.

Le géant de la distribution alimentaire teste en ce moment plusieurs dispositifs qui sont autant de parcours clients, dont le plus connu, baptisé Loop, est déployé dans 20 magasins en Île-de-France. Au total, 40 références estampillées Loop sont proposées dans des corners dédiés. Les équipes chargées de phosphorer sur le réemploi chez Carrefour portent une attention toute particulière aux surcoûts que ce service peut engendrer pour le consommateur.  Consigne monétaire, consigne par gratification ou encore consigne déportée… Toutes les options sont sur la table.

Carrefour en mode déploiement

En plus de Loop, Carrefour a lancé en juin 2021 une expérimentation avec Blédina dans un hyper de Brive-la-Gaillarde (19), à côté du site de production de la marque filiale de Danone. Dix recettes exclusives proposées dans des bocaux en verre de 200 et 400 g ont été concoctées pour cette expérimentation. Autre initiative : dans le Nord, à Baisieux (59), l’enseigne teste le dispositif de réemploi de bouteilles de bière mis au point par La Deconsigne. En échange du retour, le client est gratifié d’un bon d’achat à utiliser dans le magasin qui varie de 5 à 50 cts selon le contenant.

On l’aura compris, l’enseigne travaille à mettre le doigt sur le bon modèle. Ludivine Delatronchette affirme déjà l’ambition de Carrefour de déployer ces solutions au sein de son parc, en région notamment. L’objectif est ambitieux : Carrefour vise d’ici 2025 un total de 500 magasins proposant le réemploi pour autant de références. Pour l’heure, la responsable RSE se heurte à la complexité du développement de nouveaux emballages avec les industriels.

« Il faut compter des mois et des mois pour parvenir à une solution qui convient au fabricant, indique-t-elle. La question de la place du marketing sur les contenants consignés est cruciale pour les marques. On a un vrai travail de conviction à faire sur le sujet ».  Autre enseigne, autre circuit, autres stratégies : chez Biocoop environ 250 magasins sont équipés d’une solution de réemploi. Au niveau national, le numéro un de la bio spécialisée a développé, depuis qu’elle a commencé à travailler le sujet en 2020, 55 références de bouteilles standardisées spécifiquement conçues pour la consigne.

L’approvisionnement en question

« On va finir l’année avec 2,4 millions de bouteilles aptes au réemploi commercialisées, rapporte Nicolas Dauvé. Les perspectives sont bonnes et l’attente des consommateurs est forte ». Le taux de retour de 98 % revendiqué quelques minutes plus tôt par Le Fourgon fait néanmoins pâlir d’envie le responsable du réemploi chez Biocoop. « On n’en est pas encore là, consent-il. Si on veut y parvenir, il est essentiel de faire preuve de pédagogie à la fois auprès des consommateurs mais aussi des équipes en magasin ».

La problématique de l’approvisionnement des emballages est un autre enjeu fort pour Nicolas Dauvé. « Un point à sécuriser en priorité pour qui souhaite proposer une offre pérenne, sans risque de rupture et à grande échelle ». Or, si l’explosion des coûts de l’énergie va dans le sens du réemploi, la disponibilité de la ressource reste clairement un sujet.  Pour Nicolas Dauvé, il est ainsi peu probable « vu le contexte actuel sur le marché des contenants verre, qu’on puisse tripler en 2023 le nombre de références aptes à la consigne comme on l’a fait cette année ». Autant dire qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres.