Interview
Allon Zeitoun, Directeur général de Naturalia : « Notre priorité est la protection de nos collaborateurs et de nos clients »
Circuits Bio a interrogé Allon Zeitoun un mois environ après le début de la crise. Quel est l’impact du Covid-19 sur les activités de Naturalia ? Comment ses équipes se sont adaptées à la situation ? De quelle manière l’enseigne se prépare-t-elle à la sortie de crise ? Les réponses du dirigeant.
Circuits Bio – Comment a évolué la consommation dans les magasins Naturalia depuis le début de la crise ?
Allon Zeitoun – On a connu deux phases. La première a duré quelques jours jusqu’au confinement. Comme partout dans le secteur de la distribution alimentaire, les ventes ont été colossales durant cette période. Tous nos stocks ont été vidés. Au point que le mardi 16 mars à midi, il ne restait plus grand-chose dans les linéaires de nos magasins. Depuis, les niveaux de consommation sont restés très soutenus et stables d’une semaine à l’autre. Les magasins Naturalia sont des points de vente de proximité qui est un format très prisé par les consommateurs en ces temps de crise. C’est l’une des principales raisons expliquant à mon sens ces résultats. Je pense aussi que plus généralement, la période est propice aux produits bio les consommateurs étant plus fortement incité à adopter une alimentation saine dans un contexte anxiogène et d’inactivité liée au confinement.
CB – Observez-vous des différences de dynamique d’une catégorie à l’autre ?
AZ – Très clairement. Ce sont sans conteste les fruits et légumes, le frais et, en épicerie salée, les farines, les pâtes, ou encore les riz qui fonctionnent le mieux. En revanche, le snacking est en recul parce qu’il y a beaucoup moins de personnes qui travaillent à l’extérieur. C’est aussi le cas du pain et des produits vendus en vrac. Les consommateurs semblent en effet nettement moins appétant sur des catégories qui nécessitent une manipulation. Fait notable également, le marché des compléments alimentaires a connu une croissance de 300 à 400 % début mars. Spiruline, Acerola, produits de la ruche… c’est surtout la demande des produits ayant une activité sur l’immunité de l’organisme qui ont drivé cette croissance. Les clients ont fait leur stock et c’est aujourd’hui beaucoup plus calme. Dans la catégorie du non-alimentaire, les produits d’entretien et d’hygiène fonctionnent aussi très bien tandis que les cosmétiques sont en léger repli.
CB – Quelles mesures ont été prises pour répondre aux défis que pose la crise sanitaire ?
AZ – Notre principale priorité, c’est la protection de nos collaborateurs et de nos clients. C’est l’enjeu majeur. L’adoption des gestes barrières et le marquage au sol sont intervenus dès le début du mois de mars. Depuis la mise en confinement, on limite les flux en magasin. Sur un tiers de nos points de vente, cette tâche est dévolue à des agents de sécurité. Dans les autres, ce sont les salariés qui assurent la régulation. Toutes les caisses sont équipées d’une vitre en plexiglas, on nettoie régulièrement tout ce qui est panier ou matériel de mise en rayon et on privilégie le paiement sans contact. Il va sans dire également que nos salariés en magasin sont tous équipés d’un masque, de gants et disposent d’une solution de gel hydro-alcoolique. Le virus n’a touché chez nous que quelques collaborateurs qui vont bien aujourd’hui.
CB – Vous avez décidé de suspendre le service de click & collect. Pour quelle raison ?
AZ – Naturalia affiche un taux d’absentéisme assez élevé depuis le début de la crise entre les salariés qui présentent un facteur de risque vis-à-vis du Covid-19 auxquels on demande de rester chez eux et ceux qui sont contraints au confinement pour s’occuper de leurs enfants. Le surplus d’activité couplé à la réduction de nos effectifs nous ont amenés à prendre cette décision dans l’ensemble des 40 magasins qui proposaient le click & collect parce qu’on n’est plus en mesure d’assurer la préparation des commandes. On ne souhaitait pas rajouter de la pression à nos collaborateurs qui en ont déjà bien assez comme ça. La livraison à domicile est toujours proposée en revanche et marche très fort. Nous avons d’ailleurs quasiment quadruplé les volumes sur naturalia.fr. Quant au drive de Brétigny, il a été fermé dans un premier temps parce que les équipes ne suivaient pas mais on l’a rouvert une semaine après la mise en confinement sur un nombre limité de créneaux.
CB – De quelle manière envisagez-vous la sortie de crise ?
AZ – Je distingue le déconfinement qui va avoir lieu dans quelques semaines de la sortie de crise qui à mon avis n’interviendra pas avant neuf mois au moins. Le déconfinement sera synonyme d’une évolution probable des volumes d’achat mais je n’en attends rien d’ingérable. L’essentiel pour nous aujourd’hui est de réfléchir à la façon d’intégrer de façon pérenne dans nos process les nécessaires mesures d’hygiène en magasin qu’on a adoptées en urgence au début de la crise. Il est ainsi probable qu’on impose prochainement à nos clients d’utiliser du gel hydroalcoolique à l’entrée des magasins et qu’on renforce le dispositif de protection des salariés en caisse. On doit par ailleurs se pencher sur nos procédures de nettoyage des magasins pour les rendre plus performantes. La question se pose aussi de savoir comment nous allons gérer des catégories comme le vrac ou le pain qui sont aujourd’hui en perte de vitesse. Je n’ai pas encore toutes les réponses mais les points de vigilance sont identifiés.
Propos recueillis par Erwan Le Fur