Reportage sur la production d'algues à l'île de Batz

16 février 2023 - Erwan Le Fur

Voilà plus de cinq ans que les époux Mackenzie récoltent des algues sur les côtes finistériennes pour le compte de transformateurs spécialisés dans la confection de produits finis estampillés AB. Circuits Bio a chaussé les cuissardes pour accompagner ces deux amoureux de la mer à l’occasion d’une session de récolte entre le continent et l'île de Batz (29).

 

ALGUES

  • L’utilisation d’embarcations permet aux époux Mackenzie de rayonner sur une vaste zone le long des côtes nord-finistériennes et de récolter un large panel d’espèces. Ce modus operandi leur offre aussi une plus grande latitude dans le choix des zones à prélever en fonction notamment de la météo.

  • Outre le spaghetti de mer, Iain et Marielle Mackenzie récoltent du Kombu royal (Saccharina latissima), de la laitue de mer (ulva lactuca) et de la dulse (palmaria palmata). Chaque mois, les récoltants doivent déclarer aux autorités maritimes les zones où ils ont pêché, les espèces prélevées ainsi que les quantités collectées.

  • Munis chacun d’une serpe, le couple de récoltants fauche sans répit le champ d’Himanthalia et ramènent l’algue par paquet
    dans leurs embarcations. Au total, cette pêche aura duré deux heures (hors temps de navigation) pour environ une tonne d’algues prélevée.

  • Outre les règles liées à la préservation des ressources (lire ci-dessous), la certification bio impose aux récoltants de prélever les algues dans des eaux de qualité sanitaire irréprochable ou dans un état environnemental jugé bon à très bon. Depuis le 1er janvier de cette année, c’est l’un ou l’autre de ces deux derniers critères qui doit être respecté.

Sur la cale de mise à l’eau du port du Bloscon, à Rosco‚ (29), Iain Mackenzie et son épouse Marielle s’a‚ffairent. Pas question de rater la marée ! A deux pas de la gare maritime internationale, le couple, récoltants d’algues depuis 2018, prépare ses deux embarcations. Direction, le chenal de l’île de Batz. Nous sommes en avril 2022 : la saison et les coefficients de marée sont propices à la récolte de spaghetti… de mer.

Cette algue brune, Himanthalia elongata de son petit nom, aussi appelée haricot de mer, mesure jusqu’à trois mètres de longueur. Très prisée des gourmets, elle pousse en abondance sur les côtes “Finistériennes et se récolte à partir du mois d’avril jusqu’à la mi-juin. C’est la première cueillette de spaghetti cette année pour Iain et Marielle Mackenzie. « On ramasse environ une tonne par pêche », explique la sémillante quinqua. Au total sur une saison, le couple récolte une quarantaine de tonnes.

Du champ (d’algues) à l’assiette

Le département du Finistère est celui qui comprend et, de loin, le plus de cueilleurs d’algues professionnels en France. Environ 80 licences d’autorisation sont délivrées chaque année par le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne. Le spaghetti de mer peut se récolter de diverses manières. Certains professionnels utilisent un tracteur pour se rendre sur l’estran (partie du littoral située entre le niveau des plus hautes et des plus basses marées) puis remontent leur cargaison sur la côte avant de la mettre en sac pour la livraison. D’autres utilisent la brouette.

Les époux Mackenzie ont adopté une technique bien à eux. Ils se rendent sur la zone de pêche à marée descendante au moyen de deux embarcations qu’ils rempliront de leur récolte avant de revenir au port pour ensuite livrer leur client. Les récoltants travaillent essentiellement pour deux transformateurs : Algue Service (marque Bord à Bord et Biocéan. La pêche d’aujourd’hui est destinée à rejoindre l’entrepôt de ce premier à Rosco† avant d’être envoyée dans l’atelier de transformation situé à Taulé (29) à une vingtaine de kilomètres. De là, les produits Œfinis (tartares, sauces froides ou autres algues fraîches) rejoindront les linéaires des quelque 2 500 points de vente spécialisés qui proposent la marque Bord à Bord.

La ressource prélevée mais préservée

Depuis le port du Bloscon, une trentaine de minutes de navigation sont nécessaires pour atteindre le chenal de l’île de Batz. « Les spaghettis sont coupés et non arrachés, précise Marielle Mackenzie. La réglementation nous impose de prélever à distance raisonnable du crampon qui permet à l’algue de se Œfixer au rocher de telle sorte qu’elle puisse repousser. AŒfin de préserver la ressource, il est également interdit de ramasser les algues trop jeunes c’est-à-dire celles qui mesurent moins de 80 cm ».

Écossais d’origine et amoureux de la mer, Iain Mackenzie a découvert cette activité alors qu’il était salarié de France Haliotis, une société spécialisée dans la production et la commercialisation d’ormeaux, des mollusques friands d’algues. En 2017, il quitte son poste et se lance comme indépendant après avoir obtenu l’assurance de débouchés pérennes de la part d’Algue Service. Son épouse le rejoint l’année suivante en qualité de conjoint collaborateur. Une prise de risque qu’elle ne regrette absolument pas. « Je n’étais pas du tout certaine au début d’avoir les bras ou d’être à l’aise sur l’eau. Sans compter la question du travail entre conjoints ». La greffe a bien pris : « Aujourd’hui, je suis ravie d’exercer cette activité qui nous permet de travailler au grand air dans des lieux magiques ».

La méthode de pêche privilégiée par les époux n’y est pas pour rien. « On gagne en temps de récolte et en manutention parce qu’on n’a pas besoin de mettre les algues en sac avant de les livrer », avance Iain Mackenzie. Et son épouse de renchérir : « Si je devais porter comme certains récoltants le font, je n’aurais jamais pu suivre ». Deux heures et demi après le départ du port, les embarcations débordent de spaghettis. La marée est encore descendante, Iain Mackenzie veille comme le lait sur le feu à ce qu’elles ne s’échouent pas. « Je pense qu’on est bon pour aujourd’hui », déclare le pêcheur au look de vieux loup de mer.

Un nécessaire travail de prospection

Les Mackenzie disposent d’une licence les autorisant à pêcher sur deux zones. La première couvre le littoral € finistérien allant de Saint- Pol-de-Léon jusqu’à Guisseny, la seconde de Guisseny à L’Abert- Benoît. « On privilégie une zone de pêche plutôt qu’une autre en fonction des algues qu’on doit récolter ou encore de la météo », explique Marielle Mackenzie. Et quand les époux ne pêchent pas, ils prospectent pour identi€fier les futurs spots de pêche. C’est le cas notamment en décembre et en janvier quand la saison est au point mort et que les forts coe‘fficients de marée permettent de se faire une bonne idée de la disponibilité de la ressource.

Retour au port du Bloscon. Les embarcations sont attelées aux véhicules et sorties de l’eau. En route pour l’atelier d’Algue Service situé à quelques centaines de mètres de là. A l’été 2016, quand la société s’est agrandie et a déménagé une bonne partie de son activité à Taulé, elle a néanmoins conservé ce bâtiment qui présente l’avantage d’être alimenté en eau de mer. « C'est un prérequis pour laver les algues, explique Henri Courtois, fondateur de la société. L’utilisation d’eau douce provoque un choc osmotique qui altère la texture et la saveur des algues. En Bretagne, nous disposons d’une ressource de très grande qualité. Notre objectif est de la préserver jusqu’au produit fini ».

Quand les spaghettis passent aux bulles

Plongées dans un courant d’eau de mer alimenté avec un bulleur, les algues se déploient et les corps étrangers sont éliminés par gravité. Les bulles d’air ont aussi pour fonction de réduire la force bactérienne des algues ce qui assure en bout de ligne la qualité microbiologique du produit avant sa transformation. En fin de traitement, l’ajout de sel permet aux algues de dégorger et de s’attendrir. Elles peuvent être ainsi conservées plusieurs mois en chambre froide.